Les livres que tu voudrais voir traduits

Même si tu comprends et parles l’anglais fluently, tu ne lis aucun livre dans leurs versions originales. En effet, tu juges déjà que ton rythme de lecture s'avère insuffisant pour te permettre de découvrir autant de bouquins que tu le voudrais. Lire en anglais (ou en espagnol ou dans une autre langue) le réduirait encore. De plus, tu considères qu’il y a, à l’heure actuelle, suffisamment d'ouvrages traduits en français pour satisfaire tes besoins immédiats de lecteur par ailleurs insatiable.

Toutefois, cela te n’empêche pas d’attendre avec une certaine impatience les traductions des livres d’auteurs que tu apprécies particulièrement. Pour quelques-uns d’entre eux (par exemple Gilbert Sorrentino ou Edmund Wilson), tu espérerais même que l’intégralité de leurs Œuvres soit disponible en français. Cela semble peu probable et sans doute devras-tu un jour franchir le pas et les lire dans leurs dialectes natals si tu veux mieux ou totalement les connaître.
Cet article fournit une petite sélection de ces bouquins d’écrivains de langues étrangères qui n’ont pas encore été adaptés. Pour certains, il existe peut-être des projets concrets les concernant. À ta connaissance, non. Toutefois, tu serais évidemment ravi d’apprendre que tu fais erreur.

Le premier des ouvrages que tu attends depuis longtemps est sans aucun doute le second roman de Dustin Long. Tu connnais cet auteur grâce aux éditions Asphalte, qui ont publié en 2011 son premier livre, Icelander. On y suivait « Notre héroïne », fille de la célèbre enquêtrice Emily Bean, dont les aventures furent adaptées par le romancier non moins renommé Magnus Valison. Alors que se tient la fête en l’honneur de sa mère, Notre héroïne se voit confrontée au meurtre de sa meilleure amie. Contrairement aux attentes de la communauté de New Crúiskeen, en Islande, où se déroule l’action du roman, la jeune femme n’a pas l’intention d’enquêter sur ce décès prématuré.
Le récit était entrecoupé de passages dévoilant une partie des aventures d’Emily Bean au cœur du royaume souterrain islandais de Vanaheim. Il flirtait ainsi avec l’étrange, autant par ses éléments pseudo-fantastiques et par sa forme (fausse préface, métatexte dans les notes de bas de pages) que par la pseudo-intrigue déployée par son auteur. Le résultat démontrait les qualités et l’inventivité d’un jeune homme de lettres signant là un premier roman réussi.
Tu t’étais donc promis de te pencher sur les prochains ouvrages de Dustin Long. Malheureusement, tu les attends toujours… Or, aux États-Unis, son deuxième livre a paru. Il s’intitule Bad Teeth et a reçu un accueil critique apparemment positif. Il met en scène Judas, un traducteur à la recherche d’un écrivain à sensations surnommé le « David Foster tibétain » et qui va rencontrer des personnages atypiques se débattant avec l’inconsistance et l’insignifiance de leurs vies. Le Boston Globe parle d’une satire à l’humour noire dans la mouvance picaresque de la littérature américaine (à la Thomas Pynchon). De son côté, Publishers Weekly évoque un roman merveilleux, drôle et philosophique, explorant les façons dont la recherche du bonheur adulte peut être entravée par un comportement égoïste.

Après Ablutions et Les Frères Sister (Actes Sud, 2010 et 2012), tu suis Patrick DeWitt, si on te permet l’expression, à la culotte. Bien que tu ne doutes pas que les éditions arlésiennes, qui ont déjà publié ses deux premiers livres, en face de même, tu préfères rappeler que DeWitt possède des fans qui attendent impatiemment la traduction française de Undermajordomo Minor, son troisième ouvrage. Après avoir mis en scène, de manière apparemment partiellement autobiographique, un barman alcoolique, puis exploré avec drôlerie et sensibilité les codes du western, l’écrivain canadien a choisi une nouvelle fois un décor totalement différent pour son dernier livre. Il présente, dans ce troisième texte romanesque qui paraîtra en septembre de cette année, chez Anansi Books, un jeune homme nommé Lucien Minor. Ce dernier accepte un emploi d’assistant du majordome du Château Von Aux, une demeure renfermant de sombres secrets. Undermajordomo Minor s'avèrerait, à l’instar des deux précédents ouvrages de DeWitt, moins un roman qu’on lit pour son intrigue que pour ses personnages et la façon humoristique avec laquelle l’auteur réussit à dépeindre les interactions sociales, à la source de maints sentiments extrêmes (de l’amour à la haine), en l’occurrence dans un village alpin peuplé d’êtres mal intentionnés. Minor va en effet rencontrer des individus farfelus, voleurs, aristocrates, soldats, dont l’exceptionnel Adolphus, avec qui il disputera le cœur de la belle Klara. Undermajordomo Minor est donc qualifié par l’éditeur américain de comédie de mœurs à l’encre noire, de récit d’aventure et de love story
Puisque le livre n’a pas encore paru dans sa version originale, la presse n’a pas pu beaucoup en parler. Mais tu n’as pas besoin de disposer d’avis préalables à l’achat de ce roman. Dès qu’il sera édité en français, tu te jetteras dessus.

À l’image de DeWitt, David Toscana appartient à cette catégorie d'écrivains dont tu as prévu d’explorer les bibliographies de manière exhaustive. Ayant déjà lu tout ce qui a été traduit en français, tu es maintenant réduit à attendre de prochaines transcriptions. En ce qui concerne l’auteur mexicain de l’exceptionnel roman El Último lector et des magnifiques Un train pour Tula et L’Armée illuminée (Zulma, 2009, 2010 et 2012), l’attente se révèle longue. Tu espères que les éditions Zulma (ou une autre maison) ont planifié la poursuite de la mise à disposition de ses livres dans l'Hexagone.
À commencer, par exemple, par Los Puentes de Königsberg. Paru au Mexique en 2009, ce roman ne se déroule pas, comme son titre pourrait l’indiquer, en Russie, à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad). David Toscana y décrit en effet des habitants de Monterey, au Mexique, des individus typiquement toscaniens par leurs capacités à interpréter la réalité d’une manière personnelle, déconcertante et parfois pathétique. Ainsi, il développe les personnages de Floro et Blasco, deux chômeurs alcooliques qui évoquent une affaire d’enlèvement de six écolières vieille de plusieurs années, s’imaginant, apparemment dans un fantasme guerrier et érotique, comme les kidnappeurs des jeunes filles. L’auteur met également en scène le frère d’une des enfants disparues et considérées comme mortes. Amoureux de son institutrice, la Señorita Andrea, il tentera tout pour résoudre le problème mathématique qu’elle a énoncé à sa classe : celui des ponts de Königsberg, dont Euler donna, en son temps, la solution.
Le roman a l'air passionnant, par la mise en relation d’éléments qui ne paraît pas, à première vue, disposer de points communs. Pourtant, David Toscana semble avoir réussi à traiter avec la finesse qu'on lui connaît de plusieurs thématiques : la violence des hommes et les souffrances des femmes en temps de guerre ; les incertitudes de l’existence qui peut prendre des chemins variés.

Si tu as découvert (ou on t'a fait découvrir) Dustin Long, Patrick DeWitt et David Toscana il y a déjà quelques années, tu ne connais Nina Allan que depuis peu, grâce à Stardust et Spin (Tristram, 2015). Avec ce recueil de nouvelles et cette novella, les éditions auscitaines ont poursuivi la publication des livres de l’auteur anglaise après Complications (2013). Si tu n’as pas encore lu ce dernier ouvrage, tu as par contre parcouru les deux premièrement cités. Ils t’ont laissé une très bonne impression, au point de faire confiance aveuglément à Nina Allan concernant son premier roman, paru en 2014 en Angleterre et qui sera publié prochainement, n’en doutons pas, en France. L'éditeur Newcon Press, décrit The Race comme un texte nuancé, naviguant entre tendresse et brutalité, ambitieux, perspicace, mettant à nu les peurs et les joies de l’être humain, mais teinté d’une lueur d’espoir. Il est divisé en quatre parties centrées chacune sur un personnage dont le destin est imbriqué avec ceux des trois autres. En lisant quelques avis publiés sur le Net, tu comprends que Nina Allan, dans ce premier roman, mélange ses propres thématiques (l’humain, ses émotions et comment il interagit avec ses semblables) et une construction de récit fragmentée, dont les éléments s'avèrent en relation de façon plus ou moins métaphysique, indépendamment de l'espace et du temps. Un peu à la manière, semblerait-il, des ouvrages de Christopher Priest se situant dans l'univers de L'Archipel des rêves (le célèbre auteur britannique se trouve par ailleurs être le compagnon de Nina Allan...).
Bref, The Race a tout l'air d'un livre réussi.

Bad Teeth, Dustin Long (2014), New Harvest, mars 2014, 320 pages, $25
 
Undermajordomo Minor, Patrick DeWitt (2015), Anansi Books, septembre 2015, 352 pages, $32
 
Los Puentes de Königsberg, David Toscana (2007), Alfaguara, 2007, environ 11€
 
The Race, Nina Allan (2014), Newcon Press, août 2014, 256 pages, £12

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