Book review - Octobre 2015

Un proverbe chinois de ton invention affirme que « plus tu lis de livres, plus de chances d'en lire de mauvais tu as ». Un adage parfaitement respecté en ce mois d'octobre. Optant pour une stratégie de lecture audacieuse, basée sur la taille (faible de préférence) des ouvrages parcourus, tu as en effet pu accroître sensiblement ton rythme de lecture. En conséquence de quoi,  le taux de succès de tes lectures a laissé quelque peu à désirer. Ceci malgré le soin que tu prends en général à la sélection des ouvrages qui rejoignent ta bibliothèque. Le même soin qui explique également que cet article ne mentionne que peu de livres de la rentrée littéraire qui, comme tu l’as déjà signifié par ailleurs, s’avèrent majoritairement d’un piètre intérêt. 


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Oliver Rohe et Jérôme Ferrari s'intéressent au reportage photographique de Gaston Chérau en Libye en 1911-1912, qui a fait l'objet d'une exposition s'appuyant sur les travaux de l'historien Pierre Schill. Les auteurs explorent le thème de la représentation de la guerre dans les médias. Le livre s'avère instructif du point de vue historique. Il enfonce toutefois des portes ouvertes lorsqu'il rapproche les méthodes employées par l'Italie en Libye et celles utilisées aujourd'hui pour justifier des invasions de pays sous-développés, en particulier par les USA.

À fendre le cœur le plus dur, Jérôme Ferrari & Oliver Rohe (2015), Inculte, Dernière Marge, octobre 2015, 96 pages, 13,90€


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Cette étude anthropologique passionnante au sein du LHC montre le paradoxe des expérimentations réalisées grâce à la gigantesque machine qui a permis la découverte du boson de Higgs. Les expériencess sur les collisions de particules consistent, au final, en des mesures d'une grande précision permettant de découvrir des événements rares. Elles sont le fruit du travail des physiciens, mais aussi de géologues, de métrologues ou d'opérateurs dont les actions, le savoir-faire, ne se révèle pas toujours ou complètement de l'ordre du quantifiable, de l'incommensurable donc, bien qu'elles soient essentielles au succès des recherches.

Les Incommensurables, Sophie Houdart (2015), Zones Sensibles, septembre 2015, 192 pages, 18€


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Après avoir servi, en 2011, un passionnant récit sur la bande à Bonnot (L'Homme à la carabine), Patrick Pécherot signe cette année un texte dans la même veine, usant de la petite Histoire pour évoquer la grande et ses figures flamboyantes (Louise Michel, Verlaine, Courbet...). En l'occurrence, le lecteur est plongé dans le tourbillon de la Commune de Paris de 1871. La narration intense traduit parfaitement le trouble de cette période. Mais les personnages en pâtissent. La précipitation du récit empêche l'auteur de nous les rendre attachants, et avec eux leurs aventures tragiques (et finalement un peu confuses).

Une plaie ouverte, Patrick Pécherot (2015), Gallimard, Série Noire, septembre 2015, 272 pages, 16,90€


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Personnages caricaturaux. Intrigue convenue, sans surprise. Mystère autour du méchant éventé au bout de 200 pages. Auteur qui tire à la ligne et étale ses connaissances de niveau Wikipedia sur l'informatique, l'anatomie, les armes à feu, les philosophies asiatiques et le japonisme.
Ce livre n'est que la première partie, poussive, d'une chasse au tueur en série par la brigade criminelle de Paris. Étant donné qu'il représente à ce jour ta pire lecture de l'année 2015, il n'y a bien sûr aucune chance que tu perdes ton temps avec la suite, à paraître prochainement. 

L'Alignement des équinoxes, Sébastien Raizer (2015), Gallimard, Série Noire, mai 2015, 480 pages, 20€


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Le premier roman de Nii Ayikwei Parkes a été bien accueilli par la critique. Tu n'éprouves, pour ta part, pas grand enthousiasme à son sujet. Certes, il possède des qualités. Parkes écrit bien, il réussit (autant que le traducteur) à retranscrire les différences de niveaux de langages et de dialectes des protagonistes, cette enquête médico-légale se lit sans difficulté et sans désagrément. Et justement, ce roman ne bouscule pas assez le lecteur alors qu'il dénonce la corruption dans la société ghanéenne. Il s'agit au final d'un polar exotique divertissant, rien de plus, ce qui t'es à peine suffisant.

Notre quelque part (Tail of the Blue Bird), Nii Ayikwei Parkes (2014), traduit de l'anglais par Sika Fakambi, Zulma, février 2014, 304 pages, 21€


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Après avoir lu Le Diable tout le temps, lire Knockemstiff se présentait comme incontournable. Dans ce premier recueil de nouvelles, Pollock mettait déjà en scène les rednecks, pauvres, sans éducation, consanguins, peuplant sa ville natale de l'Ohio et ses environs. On se délecte des histoires de la vie quotidienne de ces demeurés. Des histoires violentes, sexistes, d'enfants maltraités qui fuguent (ou voudraient mais sont trop peureux ou idiots pour le faire) ou de personnes mentalement ou émotionnellement déficientes. Mais des histoires magnifiques.

Knockemstiff (Knockemstiff), Donald Ray Pollock (2008), traduit de l'anglais par Philippe Garnier, Libretto, février 2013, 256 pages, 9,10€


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Grâce aux malheureusement défuntes éditions 13e Note, il se révélait régulièrement possible d'enrichir sa connaissance de la littérature noire américaine. Le Dernier des damnés est un recueil de textes en grande partie autobiographique de Gerald Locklin. Cet ancien copain de Charles Bukowski (avec 20 ans de moins au compteur), quasi inconnu en France, pourtant considéré Outre-Atlantique, a connu l'alcoolisme, de nombreux mariages et la pauvreté, ce qui lui donne matière à des textes déchirants mais non dénués d'une note d'espoir.

Le Dernier des damnés, Gerald Locklin (2013), traduit de l'anglais par Alexandre Thiltgès, 13e Note, mai 2013, 312 ages, 22,90€


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Julián Herbert est un auteur Mexicain qu'on gagnerait à mieux connaître en France. Il dépeint, dans les textes de ce très court recueil de nouvelles, le quotidien des cocaïnomanes (et autres grands consommateurs de drogues) des grandes villes de son pays natal. Les histoires sont hantées par des héros fantastiques, des figures légendaires de l'héroïne et de la cocaïne. L'écriture de Herbert se révèle teintée de poésie. Elle flamboie à décrire l'extinction lente et désespérée des vies dans laquelle entre la poudre blanche. Une très jolie, bien qu'âpre, découverte.

Cocaïne, manuel de l'usager (Cocaína), Julián Herbert (2009), traduit de l'espagnol par Jeanne Chevalier, 13e Note, Pulse, mai 2012, 94 pages, 6€


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Le ParK est un vaste ensemble récératif créé par un architecte visionnaire, financé par un milliardaire. Ses clients, limités en nombre, triés sur le volet, sont richissimes. Ils peuvent jouir en toute quiétude d'attractions qui repoussent les limites morales du divertissement. Le ParK apparaît comme une métaphore de notre époque. Ce livre se révèle donc une satire de notre société qui soumet des employés, véritables esclaves, à une classe dominante de riches en mal de sensations mettant en exergue les pires penchants de l'être humain. Un essai étonnant, fausse fiction qui ne laisse pas indifférent, mais manque seulement parfois un peu d'entrain.

Le ParK, Bruce Bégout (2010), Allia, La Fin d'une époque - les conditions du vrai, L'enjeu des affrontements, avril 2010, 160 pages, 6,20€


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