Complications - Nina Allan

Même si Complications a paru en 2013 en grand format, et bien que tes prescripteurs littéraires t'en aient parlé avec beaucoup d'enthousiasme, tu ne fis connaissance avec Nina Allan que l'an dernier, par l'intermédiaire de l'impressionnant Stardust (Tristram, 2015) et de l'étonnant Spin (Tristram, 2015). Tout du moins, avec son Œuvre, dont les Français ne possèdent jusqu'à présent qu'une vision parcellaire, en attendant les sorties d'autres recueils de nouvelles et de son roman, The Race. Il s'avérait plus que temps que tu te jettes enfin sur le premier livre de l'auteure anglaise édité dans l'Hexagone, d'autant plus que les éditions Tristram ont fait reparaître en 2015 le bouquin dans leur collection Souple, donc moins cher.

Complications se compose de six histoires qui, par les correspondances qu'elles présentent entre elles, apparaissent plus comme les chapitres épars d'un roman que comme les textes hétéroclites d'une banale anthologie. Mettant en scène des personnages semblables, aux existences dissemblables, les récits jouent avec les notions de décalages temporels et d'univers parallèles, thèmes classiques du fantastique et de la science-fiction, pour dévoiler une face cachée de notre propre monde. Les protagonistes des nouvelles y sont confrontés par l'intermédiaire de systèmes d'horlogerie (horloges, montres…) munis de complications spéciales, d'où le titre français du recueil (l'original, The Silver Wind reprend simplement celui d'une des nouvelles). En l'occurrence, ces complications (ou fonctions autres que l'affichage de l'heure) sont dites transtemporelles et équipent des appareils conçus par un nain, Andrew Owen (ou Owen Andrews), qui hante plusieurs textes de sa présence éphémère, mais providentielle. Les « héros » de Nina Allan expérimentent donc des phénomènes plus ou moins étranges, provoqués bien souvent par l'acquisition ou la découverte inopinée d'une de ces pièces horlogères. Ces événements dépassant l'entendement, ou parfaitement acceptés par lesdits ndividus (en fonction des subtilités de leurs propres réalités en décalage avec la nôtre), les poussent chaque fois à remettre en question leur quotidien ou à une introspection aux implications parfois sentimentales.

Car Nina Allan, bien qu'écrivaine de littérature de l'Imaginaire assumée, fait partie de ces auteurs de science-fiction (ou de fantastique) qui ne s'attachent pas seulement aux aspects surnaturels de leurs récits. Dans les histoires que raconte cette femme de lettres britannique, la place des protagonistes se révèle primordiale. Tu l'avais déjà remarqué en lisant Stardust, à tel point qu'il te semble parfois, en parcourant des textes de Allan, qu'elle est plus intéressée par ses personnages que par les phénomènes étranges auxquels elle les confronte. Comme si écrire de la SF s'avérait, pour elle, secondaire. Dans Complications, elle ne se soucie d'ailleurs pas d'une quelconque explication, n'avance aucune théorie sur le fonctionnement des mécanismes transtemporels. Elle s'attarde par contre sur les vies et les sentiments de ses héros et héroïnes. Elle répète, en six nouvelles, des situations en y incluant des variations qui lui permettent d'examiner, de mesurer plus avant les émotions de la poignée d'individus qu'elle met en scène.

Complications, si considéré comme une sorte de faux roman, rappelle par bien des aspects certains ouvrages de Christopher Priest, notamment ceux du cycle de L'Archipel du rêve. Il s'agit en tout cas sans nul doute d'un recueil incontournable de l'Imaginaire. Et Nina Allan construit, texte après texte, une Œuvre qui se doit d'être explorée par les lecteurs amateurs de cette littérature.

Complications (The Silver Wind), Nina Allan (2011), traduit de l'anglais par Bernard Sigaud, Tristram, Souple, janvier 2015, 224 pages, 8,95€

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