Book review - avril 2017

Gros mois de lecture que cet avril 2017. Pourquoi ? Parce que tu as lu de courts romans, ou des livres qui se lisent vite. Il n'y a pas de secret : arrêtez de lire des pavés de fantasy niais, vous pourrez lire plus de livres intéressants.

Période électorale oblige, les livres politiques ont fleuri ces derniers mois. Tu n'en lis jamais. Mais, cette année, on t'a mis entre les mains Votez Cthulhu, le programme du Grand Ancien, présenté par Guillaume Balsamo et Marthe Picard. On y découvre les intentions présidentielles de Cthulhu, qui s'est associé aux Super Vilains Pour la France (Darth Vador, Le Joker, Godzilla...) pour constituer un programme et un gouvernement à même de redresser la France, par sa destruction. Le résultat est drôle ; on passe réellement un bon moment en le lisant. Certains passages sont peut-être un petit peu trop grand public ou trop orientés geeks, mais le livre constitue une bonne surprise.

Audur Ava Ólafsdóttir est bien moins drôle que Guillaume Balsamo et Marthe Picard. Dans Rosa Candida, roman originalement publié par les éditions Zulma et aujourd'hui disponible en poche chez Points, elle ne fait pas rire le lecteur. Toutefois, l'histoire qu'elle raconte se révèle empreinte de bonheur. On y fait la connaissance d'Arnljótur, jeune homme de 22 ans qui quitte l'Islande pour aller s'occuper d'un jardin dans un pays éloigné. Père d'une petite fille conçue par erreur lors d'une union fugitive avec Anna, il abandonne son père et son frère jumeau handicapé mental. Quant à sa mère, morte quelques années auparavant, elle constitue déjà une absence marquante dans son existence. Il va se découvrir au cours de ce voyage qui prend des formes d'initiation à la vraie vie d'adulte. Le résultat n'est pas sans qualité, même si tu t'es ennuyé dans certains passages. On peut faire l'impasse.

Encore moins drôle, en tout cas dans son essai Anthropologie (dans d'autres de ses livres, il est plus amusant), Éric Chauvier se penche sur la communauté rom. Après une rencontre rapide avec une jeune fille faisant la manche, il cherche à la retrouver. Pour mieux la comprendre, mais surtout pour expliquer l'« impression de familiarité rompue » qu'il a éprouvée en regardant cette fille, X. Suis une série d'expériences (le « jeu des postures » qui lui permet de confronter les réactions de différentes personnes à la mendicité de X) puis une enquête véritable pour la rencontrer. Souvent, quand tu lis un livre de Chauvier, tu as l'impression de ne pas être assez intelligent pour comprendre. Tu as parfois du mal à appréhender le contenu du livre. Il faut trouver ces difficultés sans doute surtout dans le manque d'habitude à la réflexion anthropologique ou sociale. Du moins tu l'espères... Toujours est-il que même si l'approche du sujet d'Anthropologie est ardu, il reste très intéressant.

Plus du tout amusant, le récit de Robert Linhart nous entraîne dans l'usine Citroën de Choisy, peu après mai 68. Dans L'Établi, il décrit le quotidien du personnel de l'usine, la tentative de défense de leurs droits au cours d'une grève, mais surtout, les pratiques honteuses des patrons pour écraser toute velléité de révolte chez les ouvriers, pour les écraser et en faire de dociles machines humaines. Ce récit est aussi celui de la prise de conscience d'un militant universitaire des réalités du monde de l'entreprise et plus particulièrement de l'usine. Passionnant, il n'est peut-être pas à la hauteur de tes attentes, hautes en raison des éloges dont ce livre avaient fait l'objet dans ton entourage. Mais un ouvrage à lire absolument, assurément.

On ne rigole pas non plus avec Joyce Carol Oates. C'est du moins ce qu'il te semble, mais tu ne peux juger qu'avec le seul livre de cette auteure que tu as lu, Le Musée du Dr Moses. Ce recueil de nouvelles t'a été conseillé par hasard par un de tes libraires, grand fan de cette femme de lettres américaine. Tu ne savais pas à quoi t'attendre. Tu as été enchanté. Enfin, enchanté n'est peut-être pas le meilleur terme pour qualifier le ressenti à la lecture des textes présentés ici : ils dévoilent chacun à leur façon l'ironie de la vie humaine, fruit du hasard ou d'une volonté retorse d'un représentant de l'espèce humaine. Tous sont construits avec une maîtrise absolue des règles du suspense et de la psychologie.

Il est rare, également, de s'amuser en lisant un roman ayant pour thème la guerre du Vietnam. Les Fantômes de Saigon, de John Maddox Roberts, ne fait pas exception. Ce polar a pour personnage principal Gabe Treloar, ancien policier militaire en 1968. Devenu détective privé après une carrière dans la police de Los Angeles, il est engagé par un ancien compagnon d'armes devenu producteur à Hollywood. Ce dernier doit éclaircir les menaces faites à l'encontre de sa dernière production, un film sur la guerre du Vietnam, qui doit ce tourner dans ce même pays. Or, le corbeau est un « fantôme » qu'ils ont connu là-bas... Le livre de Roberts traite d'un thème rare de cet épisode tragique de l'histoire de l'Asie du Sud-Est et des États-Unis : celle des déserteurs et de l'implication de la CIA. Mais l'enquête de Treloar s'avère un peu trop tirée par les cheveux, les personnages pas assez crédibles, pour satisfaire le lecteur exigeant que tu es. Il ne s'agit donc pas d'un immanquable sur la thématique vietnamienne.

De manière moins directe, La Pluie de néon, du célèbre James Lee Burke, traite également de la guerre du Vietnam. Ceci au travers du non moins fameux lieutenant Dave Robicheaux, un ancien GI qui se remémore par moment les sombres souvenirs qu'il a de cette expérience militaire. Mais cela reste secondaire dans cette enquête, la première relatée par l'auteur américain. L'affaire racontée ici s'avère semée d'embûches pour Robicheaux, qui se voit menacer de mort lorsqu'il pousse ses recherches sur la mort d'une jeune prostituée noire, éliminée par des trafiquants d'armes aux hautes relations qui tenteront de le discréditer. Le livre se distingue par une intrigue serrée, crédible, pleine de rebondissements. Les personnages y sont authentiques et on s'attache à cet homme dur mais droit dont la soif de justice que rien ne semble pouvoir arrêter. Un excellent polar.

Votez Cthulhu, Guillaume Balsamo & Marthe Picard (2017), Marabout, janvier 2017, 192 pages, 15€
 
Rosa Candida (Afleggjarinn), Audur Ava Ólafsdóttir (2007), traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson, Points, août 2016, 352 pages, 7,70€
 
Anthropologie, Éric Chauvier (2006), Allia, La fin d'une époque - Les conditions du vrai, août 2006, 144 pages, 6,20€
 
L'Établi, Robert Linhart (1978), Les Éditions de Minuit, Double, 1981, 180 pages, 6€
 
Le Musée du Dr Moses (The Museum of Dr. Moses: Tales of Mystery and Suspense), Joyce Carol Oates (2007), traduit de l'anglais par Claude Seban, Points, avril 2013, 288 pages, 7€
 
Les Fantômes de Saigon (The Ghosts of Saigon), John Maddox Roberts (1996), traduit de l'anglais par Francis Lefebvre, Gallimard, Folio Policier, novembre 2012, 464 pages, 8,20€
 
La Pluie de néon (The Neon Rain), James Lee Burke (1987), traduit de l'anglais par Freddy Michalsky, Rivages, Noir, décembre 2015, 384 pages, 9,65€
 

Haut de page