Martin Barzilai, photographe dans la force de l'âge, s'est rendu plusieurs fois en Israël ces vingt-cinq dernières années. En 2008, il entreprend un travail journalistique et photographique autour du sujet des refuzniks, ces hommes et femmes qui refusent de faire leur service militaire, ou de participer à la réserve. Tu as appris que l'un comme l'autre sont obligatoires pour presque tous les Israéliens. Le service militaire dure de 2 à 3 ans et constitue une étape importante pour l'insertion dans la société israélienne, un élément sur lequel se basent nombre de jugements sociaux. Refuzniks restitue les témoignages de personnes qui n'ont pas accepté de les réaliser, ou seulement partiellement (en refusant, par exemple, de servir hors des frontières de 1967). Au fil des transcriptions, le lecteur découvre les conséquences de cette décision à différentes périodes, pour des gens issus de milieux divers, dont les motivations peuvent être aussi bien économiques que politiques. Le livre dessine, en filigrane, une image de la société israélienne inégalitaire et devenu, au fil du temps, de plus en plus extrémiste. On apprend beaucoup sur cette dernière en lisant Refuzniks, ainsi que sur la politique de colonisation des territoires palestiniens. Nombre de témoignages apparaissent d'ailleurs, sur ce sujet, très clairement orientés contre l'implantation des colonies juives. Cet ouvrage risque de ne pas plaire aux lecteurs sionistes convaincus.
Martin Barzilai est photographe, et chaque transcription est accompagnée de la photographie du refuznik prenant la parole. Bien plus que de simples illustrations, ces photos permettent de mettre des visages sur des personnages qui seraient, sinon, abstraits. Elles rapprochent le lecteur de ces derniers, montrent à quel point ils sont comme tout le monde (l'un ou l'autre d'entre eux apparaîtra sans doute comme son alter ego du Moyen-Orient au lecteur) et en même temps tous différents, d'un extrême à l'autre, de la punkette au retraité apparemment parfaitement intégré. Travail d'intervieweur, indissociable de celui de photographe, Refuzniks apparaît comme un ouvrage incontournable sur un sujet qui, te semble-t-il, fait l'objet de très peu de documentation (en tout cas en France et auprès du grand public, qui, il est vrai, s'en fout complètement, sauf éventuellement quand il devra effectuer lui aussi réaliser son service macroniste universel obligatoire, d'ici peu).