Teddy Bear - Gess

Bien que le confinement soit terminé, il s’avère encore trop tôt pour toi pour te rendre dans les librairies. Tu continues donc tes relectures de vieilles bandes dessinées, principalement de science-fiction, qui ont donné lieu à quelques chroniques ces derniers temps. Aujourd’hui, tu parles de la série Teddy Bear, signée Gess, le dessinateur d'albums comme Carmen Mc Callum ou La Brigade chimérique. Toutefois, il œuvra seul pour la création des trois tomes publiés entre 1992 et 1995 aux éditions Zenda (aujourd'hui, la série est disponible en intégrale chez Drugstore).

La trilogie transporte le lecteur dans un futur lointain. L’espèce humaine a développé des technologies lui ayant permis de prendre ses aises dans le système solaire. Elle a installé des stations orbitales pouvant accueillir une partie de la population terrestre, entassée sous des dômes où elle se trouve protégée de la pollution extrême qui sévit partout sur Terre.
Dans les villes, l’ambiance se révèle cyberpunk, avec une évidente décrépitude des infrastructures et de la société, malgré un niveau technologique avancé qui constitue le quotidien. L’histoire débute dans le dôme sud, dans le secteur Bretagne. On nous présente Closer, un flic de l’IPS (l’International Public Security, sponsorisé par un consortium privé), du service des Stupéfiants, qui détourne volontiers ses prises de MT-10 pour assouvir sa dépendance à cette drogue. La hiérarchie, au courant de ses malversations et souhaitant y mettre fin, décide de l’affecter à la Criminelle et de l’associer à l’inspecteur Dolores. Les deux policiers se connaissent et ne s’apprécient pas, ce qui laisse présager le pire. Ils débutent toutefois une enquête sur une succession de meurtres de masse commis par des personnes isolées, sans lien entre elles. Le lecteur, à qui l’auteur présente un de ces événements, sait que les tueurs étaient sous l’emprise d’un ours de peluche, Teddy.

Tu le précises tout de suite, la série de Gess ne révolutionne pas le genre. L’univers à la fois cyberpunk et de space-opera s’avère bien traité. Gess imagine des décors urbains dystopiques, et des costumes pour ses personnages un peu rétro, projection dans un futur d’un retour à une mode 80’s, excentrique et modernisée. Néanmoins, le tout fonctionne comme cela est censé le faire. Les protagonistes, assez archétypaux, réussissent à ne pas tomber dans le rabattu. Les féminins, notamment, Dolores en particulier, bien que disposant d'un physique plantureux peu fréquent au sein du personnel de la police réelle, trouvent une vraie place, au contraire de la figuration qui leur est souvent réservée dans le récit de space-opera classique.
Il faut dire que Gess trompe adroitement avec le lecteur, dans une aventure pleine de faux-semblants. En premier lieu, Closer, qui semble dans les premières pages le héros de la bande dessinée, se voit rétrogradé dans un rôle second après l’apparition de sa co-équipière. Plus tard, il deviendra même un antagoniste de Dolores.
Ensuite, l'importance de l’entité Teddy Bear, bien que donnant son nom à la série, reste longtemps vague. Il apparaît comme un fil rouge, officiant comme catalyseur qui vient pimenter l'intrigue en lui offrant des rebondissements. Teddy Bear constitue en réalité un récit de complot fomenté par un consortium, traditionnel du cyberpunk, que seule la ténacité de Dolores et de malfrats au grand cœur en lien avec des écologistes, permettra de révéler et de stopper. L’histoire se montre passionnante, très divertissante, avec du suspense, de l’action et les coups de théâtre nécessaires pour happer le lecteur.

L’intrigue est portée par des dessins qui, tu dois l’avouer, ne s’avèrent pas exceptionnels. Gess réussit à planter un décor et des personnages intéressants, dans un style pas encore abouti (Avec Teddy Bear, il débute. Les possesseurs de La Brigade chimérique, qui paraîtra 15 ans plus tard, peuvent appréhender le chemin parcouru par le dessinateur). La couleur, surtout, apparaît un peu trop « propre » pour l’atmosphère que Gess cherche à faire ressentir. Toutefois, les choses s’améliorent petit à petit et le troisième opus s’avère graphiquement au-dessus des deux autres, notamment au niveau des designs des environnements, des véhicules, des armes, et cætera. En particulier, Gess réalise une colorisation donnant beaucoup plus de caractère et une certaine noirceur qui manquait aux tomes précédents1. Elle était indispensable pour l’ultime épisode, qui tient en haleine de la première à la dernière page.

1Wikipédia évoque un tiers pour la couleur de la troisième BD : Steph. Toutefois, tu n’as trouvé aucune référence à cette personne sur les sites spécialisés. Gess étant le pseudonyme de Stéphane Girard, il y a peut-être confusion. Toujours est-il que la mise en couleurs du troisième album, Teddy Bear Show (ou simplement Show, ce n'est pas clair dans l'édition intégrale que tu possèdes), s’avère bien au-dessus de celles des tomes précédents, Teddy Bear et Djumbo Warrior.

Teddy Bear, Gess (1992, 1993 et 1995), Drugstore, Les Intégrales, juillet 2010, 148 pages, 15€
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