Book review - novembre 2015

Poursuivant sur ta bonne lancée des mois précédents, tu dévores encore et encore de nombreux livres (en tout cas un nombre acceptable). Comme rien ne saurait arrêter ton appétit de lecture, et la diversité de tes goûts étant grande (qui excluent cela dit des éléments de la littérature par pans entiers), tu as attaqué des ouvrages aussi bien de quasi-autofiction que post-exotiques, en passant par des essais anthropologiques ou sociaux et de la littérature de la plus immaculée blancheur. Éclectisme, tu cries son nom ! 


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Prévenu à l'avance du caractère daté de l'ouvrage d'Abbie Hoffman publié par Tusitala, que la maison d'édition fait là œuvre de documentation historique, tu n'as pu que constater qu'effectivement, la plupart des conseils fournis dans ce livre ne sont plus que de peu d'intérêt pratique. Certes, on peut se réjouir de la publication d'un livre aussi subversif aujourd'hui, mais d'autres témoignages de membres des mouvements contre-culturels aussi, sinon plus intéressants, sont disponibles (Ringolevio d'Emmett Grogan par exemple).

Volez ce livre (Steal This Book), Abbie Hoffman (1971), traduit de l'anglais par Romain Guillou, Tusitala, Fumées, octobre 2015, 270 pages, 19€


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Tu as découvert Alejandro Zambra grâce à Personnages secondaires, un des meilleurs livres de la rentrée littéraire 2012. La sensibilité de l'auteur chilien t'avait beaucoup impressionné. La lecture de Mes documents confirma ce que la lecture de son précédent livre t'avais fait ressentir au sujet de Zambra : il possède une voix, il y a une musique particulière dans ses textes, qui émeut et rend passionnantes des histoires assez banales d'hommes ordinaires, ni héros, ni zéros, confrontés aux problèmes économiques, à ceux de l'amour, de la vie et de la mort.

Mes documents (Mis documentos), Alejandro Zambra (2014), traduit de l'espagnol par Denise Laroutis, Rivages, septembre 2015, 240 pages, 21€


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Ni vraiment bon, ni véritablement mauvais, le dernier roman de Françoise Baqué met en scène des personnages qui n'ont pas réussi à attacher le lecteur que tu es : aucun ne te correspond. Le personnage principal, un cinquantenaire figure de quartier parisien, philosophe mystique à ses heures, paralysé des deux jambes par la polio, est trop un personnage pour être convaincant. L'intrigue, alléchante sur le quatrième de couverture, traite un peu trop superficiellement du thème de l'homme augmenté, ou homme-plus, pour s'avérer vraiment passionnante et ne pas décevoir quelque peu. On peut faire l'impasse.

Le Projet Almaz, Françoise Baqué (2015), Jacqueline Chambon, août 2015, 256 pages, 21,80€


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Amateur des textes de Akira Yoshimura, tu reproches parfois à son écriture une froideur qui crée de la distance entre le lecteur et les personnages et les situations qu'il met en scène. Le Convoi de l'eau, sans doute parce qu'il s'agit du récit à la première personne d'un homme hanté par un crime atroce, ne possède pas ce défaut, ce qui en fait, pour toi, un des meilleurs ouvrages de ce grand écrivain. Tu as apprécié l'ambiance de l'histoire, mêlant le contemplatif au sombre, sans oublier pour autant une hausse de rythme final qui dévoile l'étendu du talent de Yoshimura en matière de narration.

Le Convoi de l'eau (Mizu no soretsu), Akira Yoshimura (1976), traduit du japonais par Yutaka Makino, Actes Sud, Babel, mai 2011, 176 pages, 6,60€


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Entrecoupé des contes de la Mémé Holgolde mettant en scène les errances de l'éléphante Martha Ashkarot, les mémoires des enfants d'un camp de concentration racontent la vie et les persécutions subies par les Ybürs et autres sous-hommes partisans de l'égalitarisme, rescapés de la Seconde union soviétique. Ce livre de Manuela Draeger s'avère typiquement post-exotique, tant dans ses thématiques, son atmosphère et l'absence de réelle intrigue qu'il renferme. Comme tous les récits de ce courant littéraire incomparable (voir aussi Les Aigles puent de Lutz Bassmann ou Terminus radieux d'Antoine Volodine), il impressionne.

Onze rêves de suie, Manuela Draeger (2010), Éditions de l'Olivier, septembre 2010, 220 pages, 18,30€


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Quand Éric Chauvier reçoit un coup de téléphone d'un commercial, qui le met mal à l'aise par son caractère invasif, il s'ensuit une réflexion passionnante concernant l'impact de la crise sur le langage et les interactions humaines. Surtout, ce très court, mais riche ouvrage décrit son appauvrissement, son absence de précisions pour désigner la menace qui plane sur les gens et que nous ne réussissons qu'à décrire vaguement par le mot « crise ». L'anthropole Chauvier invite le lecteur à s'interroger sur des choses qu'il n'aurait pas eu idée de questionner, mais qui se révèlent significatives.

La Crise commence où finit le langage, Éric Chauvier (2009), Allia, La Fin d’une époque – les conditions du vrai - Témoignages, août 2009, 48 pages, 3,10€


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Correspondant à un chapitre d'un ouvrage de Mike Davis intitulé Ecology of Fear, ce court essai décortique la politique d'urbanisation à Los Angeles, et de quelle manière celle-ci provoque des ruptures sociales, une absence de mixité, au sein de la Cité des Anges. Bien que prenant pour exemple sur une seule, bien qu'elle soit emblématique, et un peu daté (quoique les émeutes récentes dans d'autres villes des États-Unis semble prouver que son contenu est, au moins en partie, toujours d'actualité), le texte s'avère éloquent quant aux problèmes de la société américaine toute entière. 

Au-delà de Blade Runner : Los Angeles et l'imagination du désastre (Beyond Blade Runner), Mike Davis (1998), traduit de l'anglais par Arnaud Pouillot, février 2006, 160 pages, 6,20€


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