Book review - janvier, février et mars 2020

La résurrection d’un blog implique de se replonger dans son contenu éditorial. Or, tu avais pris l’habitude de réaliser des revues de tes lectures, mensuelles ou à moindre fréquence, pour parler des livres que tu n’avais pas eu le temps – ou l’envie – de chroniquer. La fin du premier trimestre de l’année 2020 représente l'occasion de t’y remettre. Les trois derniers livres que tu as lus, King Kong Théorie, de Virginie Despentes, La Fracture, de Nina Allan, et Prisonniers du ciel, de James Lee Burke, ayant fait l’objet d’articles, tu vas pouvoir revenir sur tes premières lectures de l’année.

Il y a eu du bon en ce début d’année 2020, en commençant par Rhum Express, de Hunter S. Thompson, premier roman de cet écrivain culte, que tu ne connaissais pas jusqu’à maintenant. Le bouquin possède quelques petits défauts, mais on sent que son auteur a un talent qui ne demande qu’à s’exprimer, et qu’il exploite, tu le crois, dans ses textes suivants. Car tu vas sans manquer en lire d’autres…
Mister Caspian & Herr Felix, de William Kotzwinkle, t’a bien plu aussi. Tu adores cet auteur, qui signe en général des histoires un peu farfelues, mais pleines de profondeurs et qui égratignent la société américaine. Ici aussi, mais dans ce livre-ci, ses intentions ne paraissent pas claires. Sa mise en scène d’un acteur hollywoodien qui échange sa place avec un trafiquant allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale se situe entre la critique du milieu cinématographique et celle de l’Allemagne nazie. Toutefois, on ne sait pas trop ce qu’il a vraiment voulu dire au final.

Parmi tes lectures, il y a régulièrement des lauréats du National Book Award. Un label qui garantit systématiquement une grande qualité. Cela n’empêche pas parfois, comme avec La Longue attente, de Ha Jin (auteur chinois vivant aux États-Unis et écrivant en anglais), de ne pas réussir à se passionner pour le récit. Ici, il s’agit d’une histoire d’amour contrariée – retardée en fait, pendant plusieurs années – par les normes sociales et la justice de la Chine, entre un médecin et une infirmière militaires. Si la présentation du quotidien de Chinois dans les années 60-70 s’avère intéressante, les problèmes conjugaux des personnages ont moins excité ton attention.
La Vie obstinée, de Wallace Stegner, par contre, est une véritable pépite. Tu connaissais déjà l’auteur grâce à son Vue cavalière. Ce roman-ci met en scène les mêmes personnages, qui doivent cette fois cohabiter avec leurs voisins plus ou moins pénibles, en Californie où ils ont pris leur retraite,. Surtout, un jeune baba cool qu’ils ont autorisé à planter son campement au fond de leur propriété, mais dont la présence va les irriter au plus haut point. Le texte se révèle magnifique, les protagonistes dépeints avec beaucoup de justesse et le décor est décrit avec la verve d’un des précurseurs du Nature Writing, lauréat d’un National Book Award et d’un Pulitzer.

La Loterie et autres contes noirs, de Shirley Jackson est peut-être aussi bon, dans un genre différent. Il s’avère en tout cas comme une lecture incontournable pour tout amateur de fantastique. Les nouvelles qui forment ce recueil saisissent le lecteur. Tu ne vois rien de plus à ajouter ici. IN-CON-TOUR-NA-BLE, tu dis.
Quant à Amatka, roman signé Karin Tidbeck, qui a reçu un accueil critique favorable, et que plusieurs personnes t’avaient recommandé, il vaut également le détour. Des personnages intéressants, une intrigue passionnante et intelligente constituent des ingrédients qui ne peuvent, en général, que donner un excellent résultat.
Mais il faut tous ces éléments pour espérer écrire un bon livre. Or, Diaspora ne les possède pas tous. Greg Egan n’a pas livré là son meilleur bouquin. Le sense of wonder est bien présent, les concepts scientifiques proposés apparaissent vertigineux. Mais il manque à ce texte une véritable intrigue et des personnalités qui pourraient nous faire éprouver, à leur encontre, des sentiments.

Enfin, ce trimestre a été marqué par ta première lecture de fiction en version originale anglaise : The Machine Gunners, de Robert Westall. Pas trop dur à lire (Il s'agit d'un roman qui pourrait être classé en littérature jeunesse), il se révéla parfait pour cette première expérience. Mais en plus, il s'avère de bonne qualité, avec du suspense, des personnages attachants et la passionnante description de la vie d’une petite ville d’Angleterre pendant le Blitz.

Rhum Express (The Rum Diary), Hunter S. Thompson (1988), traduit de l'anglais par Bernard Cohen, Gallimard, Folio, août 2016, 336 pages, 8€
 
Mister Caspian & Herr Felix (The Exile), William Kotzwinkle (1987), traduit de l'anglais par Séverine Weiss, 10-18, juillet 2019, 386 pages, 8,10€
 
La Longue attente (Waiting), Ha Jin (1999), traduit de l'anglais par Mimi et Isabelle Perrin, Points, février 2004, 338 pages, 6,95€
 
La Vie obstinée (All the Little Live Things), Wallace Stegner (1967), traduit de l'anglais par Éric Chédaille, Libretto, avril 2002, 354 pages, 10€
 
La Loterie et autres contes noirs (Dark Tales), Shirley Jackson (2016), traduit de l'anglais par Fabienne Duvigneau, Rivages, Noir, février 2019, 258 pages, 16€
 
Amatka, Karin Tidbeck (2017), traduit de l'anglais et du suédois par luvan, Gallimard, Folio SF, septembre 2019, 320 pages, 8,50€
 
Diaspora, Greg Egan (1997), traduit de l'anglais par Francis Lustman, Le Bélial, mai 2019, 400 pages, 22,90€
 
The Machine Gunners, Robert Westall (1975), MacMillan Collector's Library, 2016, 212 pages, env. 12,25€
 

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